Les Rives de l'Etang de Berre
Ont été retenus ici quelques extraits issus de la base documentaire sur les villes nouvelles - Cédérom des villes nouvelles françaises réalisé par le ministère de l'Equipement et le Programme interministériel d'Histoire et d'évaluation des villes nouvelles françaises (HEVN) en 2002.
La ville nouvelle est née en 1973. Le développement urbain des Rives de l'étang de Berre résulte d'une double approche :
1 - L'Etat envisage au cours du VIème Plan la restructuration de la sidérurgie française et cautionne l'orientation économique qui implique : la fermeture des usines de Lorraine et l'ouverture de nouvelles unités en bord de mer. Choisir en 1965 d'implanter la nouvelle unité sur le site de Fos, dans un vaste secteur d'espaces naturels et agricoles, faiblement urbanisé, nécessitait de créer les équipements et les infrastructures indispensables pour aménager la zone industrialo-portuaire (concession de maîtrise d'ouvrage au Port Autonome de Marseille), la rendre accessible, en créer les dessertes mais aussi y accueillir les populations et les services nécessaires.
2 - A l'échelle de l'Aire Métropolitaine Marseillaise, le schéma AMM, entériné par le comité interministériel d'aménagement du territoire (CIAT) de décembre 1969, positionne comme stratégique la cuvette Est de l'étang de Berre. Elle devait accueillir des activités soit nouvelles, soit provenant du desserrement de Marseille, avec pour atouts : la confluence des axes Fos-Marseille et Marseille-Aix, la présence de l'aéroport.
Si les villes nouvelles de la région Ile-de-France se sont construites autour d'un centre créé ex nihilo, le parti d'aménagement retenu pour les rives de l'étang de Berre prônait un développement « à partir des noyaux urbains existants ». Le schéma directeur de l'Aire Métropolitaine Marseillaise proposait un chapelet de villes moyennes séparées par des coupures vertes préservées. Ceci a été réalisé à l'Ouest de l'étang de Berre. Le périmètre d'étude originel comprenait 33 communes qui se sont réduites à 12. A la création de l'EPARED (Etablissement public d'aménagement) en 1973, ce périmètre est réduit à quatre communes bénéficiaires du statut ville nouvelle : les trois communes (Fos-sur-Mer, Istres et Miramas) du syndicat d'agglomération nouvelle (SAN) du Nord Ouest de l'étang de Berre et une commune associée (Vitrolles) à l'Est de l'étang de Berre.
Entièrement situées dans le département des Bouches-du-Rhône et dans un site remarquable, les Rives de l'étang de Berre couvrent 27 000 hectares. A l'Est, la ville nouvelle se situe à 20 km de Marseille, à l'Ouest, à 40 km de Marseille. Trente ans après sa mise en place, la ville nouvelle a vu se développer de nombreux sites d'activités de part et d'autre de l'étang de Berre. Ces sites directement reliés aux grandes infrastructures routières (A7, A55 et A56) et ferrées sont en contact avec des grands espaces logistiques comme la zone industrialo-portuaire de Fos et la plate-forme aérienne de Marseille-Provence.
POPULATION ET LOGEMENT
La plus peuplée des villes nouvelles de province
Des quatre villes nouvelles provinciales, les Rives de l'étang de Berre est, et a toujours été, la plus peuplée. En 1999, elle compte un peu plus de 112 000 habitants. Depuis 1968, sa population a été multipliée par 3,5, soit une croissance moyenne de 2 600 personnes par an. Cette croissance particulièrement vigoureuse en première moitié de période (+ 3 500 résidents par an entre 1968 et 1982), a nettement faibli entre 1982 et 1999 (+ 1 800 habitants par an). Au total, près de 7 % de la croissance de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur lui sont imputables. En augmentation régulière depuis 1968, le poids de la ville nouvelle dans la population régionale atteint désormais 2,5 % contre 1 % trente ans auparavant. La ville nouvelle accueille près de 420 habitants au km², soit trois fois plus que la région.
Sur l'ensemble de la période 1968-1999, c'est la commune de Vitrolles qui enregistre la plus forte progression (+ 6,6 % l'an). Comptant près 37 000 habitants en 1999, elle a absorbé en trente ans 39 % de la croissance de la population de la ville nouvelle. Vient ensuite Istres, siège de la sous-préfecture depuis 1982 et commune la plus peuplée (39 000 personnes) qui a, quant à elle, capté près de 32 % de la croissance démographique.
1968-1982 : un apport migratoire important
En trente ans, les échanges migratoires sont à l'origine de 70 % de l'essor démographique. Au début des années 70, l'apport migratoire a été prédominant, entraîné notamment par le développement industriel de la zone de Fos-sur-Mer. Il fut responsable de près de neuf nouveaux habitants sur dix entre 1968 et 1975 et huit sur dix la période intercensitaire suivante. Depuis, le rythme de croissance démographique ralentit, l'apport migratoire constituant encore 67 % de l'augmentation de population entre 1982 et 1990. Au cours des années 90, l'afflux de population extérieur est quasiment nul (+ 300 personnes) ; seul le solde naturel, excédent des naissances sur les décès, permet à la population de progresser. Cette diminution tient essentiellement à la commune de Vitrolles qui enregistre un solde migratoire négatif de 1 600 personnes en neuf ans.
La stabilisation de la population s'accélérant, près des trois quarts des résidents déclarent en 1999 qu'ils habitaient déjà la ville nouvelle en 1990. Pour les périodes précédentes, ce taux variait entre 47 % et 64 %. Depuis 1968, 123 000 personnes ont emménagé dans la ville nouvelle et 74 000 l'ont quittée pour s'installer en dehors des Rives de l'étang de Berre.
Sous-représentation des cadres
En 1999, près de 33 000 personnes ont moins de 20 ans, soit 29 % de la population, ce qui est nettement au-dessus du niveau observé en région (23 %). Si cette part diminue depuis 1990, les plus de 60 ans constituent, comme trente ans auparavant, 14 % de la population (24 % dans la région). Dans le même temps, la part des adultes âgés de 20 à 59 ans, qui ne représentaient que la moitié en 1968, atteint aujourd'hui 58 %. Au sein de la ville nouvelle, certaines communes apparaissent plus jeunes que d'autres. C'est le cas de Fos-sur-Mer et Vitrolles : respectivement 30 et 31 % ont moins de 20 ans en 1999. Miramas affiche, quant à elle, la proportion de personnes âgées de 60 ans ou plus la plus élevée (18 %).
Du fait de l'importance des jeunes souvent scolarisés, les Rives de l'étang de Berre comptent une forte part d'inactifs non retraités (44 % contre 38 % dans la région), mais 11 % des résidents sont des retraités (20 % dans la région). Les employés (16 %), les ouvriers (13 %) et les professions intermédiaires (11 %) sont les trois catégories les plus représentées, alors que les cadres et professions intellectuelles supérieures n'en représentent que 3 %. Depuis 1990, la part des cadres a reculé (- 1 point). Il en est de même pour les professions intermédiaires (- 2 points).
Parmi les résidents de plus de 15 ans, 35 % sont non diplômés et les titulaires de diplôme de second cycle y sont relativement peu nombreux (5 %), en raison du poids plus important des ouvriers dans la population. Quatre habitants sur dix sont peu ou pas diplômés à Miramas. A l'opposé, 29 % de la population de Istres et un quart de celle de Fos-sur-Mer et Vitrolles est titulaire au moins d'un baccalauréat.
Des ménages plus petits
En trente ans, le nombre de ménages de la ville nouvelle est passé de 9 500 à un peu plus de 40 000 ménages, soit une progression de près de 5 % par an, tandis que la population totale n'a augmenté que de 4 % sur la même période. Aussi, la taille des ménages continue-t-elle de baisser de façon importante : 2,73 occupants en 1999 (2,32 en région), après 3,16 en 1982 et 3,28 en 1968. Vitrolles, seule commune située à l'Est de l'étang de Berre, a été un peu moins touchée par le phénomène : le nombre de personnes par ménage s'y établit à 2,89 contre 3,37 en 1968.
La moitié des ménages compte au moins trois personnes en 1999, contre six sur dix en 1990. Les cellules de deux personnes restent les plus présentes dans la ville nouvelle (29 %).
L'effet conjugué du vieillissement de la population, de la décohabitation (départs des enfants) et l'augmentation des divorces sont autant d'éléments qui ont transformé les structures familiales et ce sur tout le territoire français. Aujourd'hui, vivre seul ou élever seul ses enfants sont des situations répandues. Dans la ville nouvelle, les personnes seules représentent 22 % en 1999 (17 % en 1990) ; c'est beaucoup moins que la moyenne régionale ou encore l'aire urbaine de Marseille - Aix-en-Provence (33 % chacune).
Davantage de propriétaires
En 1999, le parc de logements de la ville nouvelle recense 42 900 logements, soit une évolution annuelle par rapport à 1968 de 4 % en moyenne. Cette croissance est surtout le fait des résidences principales (+ 5 % par an). Elles constituent désormais 94 % du parc total de logements. Comme en 1990, près de sept logements sur dix sont des logements de grande taille (4 pièces ou plus). La ville nouvelle offre peu de résidences principales de 1 ou 2 pièces (10 %), comparativement à la région (22 %).
Les habitants sont, pour la moitié, propriétaires de leur logement (34 % en 1968). C'est à Fos-sur-Mer que le taux de propriétaires occupants est le plus élevé (58 %). Un tiers des résidences principales sont des logements sociaux. La proportion de locataires HLM dans le parc locatif a augmenté : elle est passée de 61 % en 1990 à 67 % neuf ans plus tard.
Près de 14 000 logements ont été mis en chantier entre 1982 et 1999, soit 3 % de la région. L'accroissement le plus important a eu lieu à Istres et Vitrolles, où les nouvelles constructions ont été les plus nombreuses, suite au lancement de la Zone d'aménagement concerté de la Frescoule, du Liourat et de la Romaniquette.
ACTIVITE ET EMPLOI
Un taux d'activité stable
En 1999, la population active s'élève à 52 000 personnes. En une trentaine d'années, elle a augmenté à un rythme annuel (+ 5 %) légèrement supérieur à celui de la population totale. Le taux d'activité en ville nouvelle, de près de 59 % et supérieur de 7 points au niveau régional, reste quasiment stable. Un peu plus des deux tiers des actifs se concentrent à Istres et Vitrolles.
Le profil des actifs de la ville nouvelle se caractérise par une surreprésentation des employés, des ouvriers et des professions intermédiaires : en 1999, ils représentaient respectivement 34, 28 et 23 % de la population active. Depuis 1990, la part des cadres et professions intellectuelles supérieures stagne à 7 %.
Les Rives de l'étang de Berre est, après Val-de-Reuil, la seconde ville nouvelle où le taux de chômage est le plus élevé (20 %). En 1999, environ 10 300 actifs se sont déclarés chômeurs. A l'exception de Istres (17 %), les trois autres communes enregistrent des taux de chômage supérieurs à la moyenne régionale, variant de 19 % (Fos-sur-Mer) à 23 % (Miramas).
Perte de vitesse de l'emploi depuis 1975
La ville nouvelle offre 51 100 emplois, soit 3,2 % des postes en Provence-Alpes-Côte d'Azur. Depuis 1968, cette offre a quadruplé. Le rythme de progression annuelle a été particulièrement fort sur la période 1968-1975 (+ 17 % par an), comparativement aux décennies suivantes : 0,4 % entre 1990 et 1999 et 2 % pour les périodes intercensitaires intermédiaires.
La réussite économique de la ville nouvelle est liée à la décision antérieure de créer la zone industrielle et portuaire de Fos et à une position géographique avantageuse, entre cette zone de Fos-sur-Mer et l'aéroport de Marseille-Marignane. Ce territoire possède d'autres arguments comme la disponibilité foncière, la densité des activités de recherche et de formation dans le département et la région, la qualité de vie créée par un site dont une partie a conservé ses caractéristiques naturelles ou urbaines remarquables.
Le site de l'Etang de Berre au sens large regroupe à lui seul presque autant d'activités industrielles qu'Aix-en-Provence et Marseille réunies. Les activités industrielles dans la ville nouvelle représentent plus d'un emploi sur cinq. Les principales activités représentées sont la logistique, qui consomme 30 hectares nouveaux par an, l'aéronautique, la chimie, les raffineries, la métallurgie, avec notamment Sollac Méditerranée à Fos-sur-Mer ou la SNECMA à Istres. Les principales réalisations récentes de l'établissement public d'aménagement sont liées à la logistique, avec par exemple la plate-forme logistique Clésud à Grans et Miramas.
Equilibre habitat/emploi tout juste maintenu
Jusqu'à présent, la ville nouvelle avait toujours offert un nombre d'emplois supérieur au nombre d'actifs résidents. En 1975, la ville nouvelle proposait alors 18 postes pour 10 actifs résidents. Depuis, l'offre d'emploi a régulièrement diminué plus vite que la population active. Le taux d'emploi décroît donc régulièrement. Aujourd'hui, l'équilibre habitat-emploi est à peine atteint, mais demeure supérieur à la moyenne de la région (0,8). Cependant, des disparités communales existent. Istres et plus encore Miramas, au profil davantage résidentiel, semblent souffrir d'un déficit d'emplois (respectivement 0,72 et 0,55), au contraire de Vitrolles (1,14) et surtout Fos-sur-Mer (1,98).
En 1999, la moitié des emplois offerts sont occupés par des actifs résidents et par conséquent autant pour les actifs résidant en dehors du territoire. Avec 25 700 actifs résidant et travaillant dans la ville nouvelle, le taux de stabilité est élevé : 62 %.
Deux tiers des constructions affectées à Vitrolles
Un peu plus de 1,1 million de m² de locaux ont été mis en chantier entre 1982 et 1999, visant ainsi à accueillir de nombreuses entreprises. Un peu plus des trois quarts de ces surfaces étaient destinées au stockage (28 %), au commerce (19 %), aux activités de bureaux (18 %) et aux bâtiments industriels (13 %). Les bâtiments de stockage se sont bâtis dans une proportion plus importante qu'au niveau régional : ils constituent près de 7 % de la construction régionale.
63 % des constructions réalisées se situaient dans la commune de Vitrolles. Au total, la ville nouvelle des Rives de l'étang de Berre a concentré près de 5 % de la construction neuve en 17 ans.
En conclusion…
La ville nouvelle (hors Vitrolles) ne constitue pas une véritable agglomération, mais plutôt la juxtaposition de trois petites villes, de 14 à 39 000 habitants, très différentes sur le plan urbain et sans centralité majeure. Les fonctions urbaines centrales sont situées de fait à Aix-en-Provence et à Marseille auxquelles les villes de l'Ouest de l'étang ne sont pas rattachées par une continuité urbaine.
La réussite économique de la ville nouvelle est patente. Mais la puissance du développement économique n'a pas eu pour contrepartie la création d'une véritable agglomération, au sens politique et au sens urbain du terme ; elle ne s'est pas traduite par un positionnement clair vis-à-vis de l'aire métropolitaine marseillaise (et aixoise). Aussi, avant d'évoquer les enjeux de type opérationnel, commencera-t-on par envisager ceux-ci en termes de planification stratégique.
Le syndicat d'agglomération nouvelle, éventuellement étendu à d'autres collectivités locales souhaitant se joindre à lui, est demandeur d'un outil planificateur, concepteur et opérationnel pour assurer la poursuite de son développement. Cette demande apparaît justifiée sur le principe, mais le territoire du SAN, même élargi, offre difficilement une activité suffisante pour rentabiliser une structure de ce niveau. Au sein du département des Bouches-du-Rhône, la discontinuité entre l'agglomération de Marseille, d'une part, et le moteur du développement économique que constitue la ville nouvelle, d'autre part, est en train de concourir à la réalisation d'un zonage de fait : en caricaturant, on trouverait d'un côté une métropole à faible niveau d'emploi, en tous cas pas à la hauteur de son rôle urbain, de l'autre des emplois sans les fonctions centrales à l'échelle d'un espace urbanisé de cette importance. Un tel modèle peut vivre, mais il est porteur de risques car il fragilise la restructuration urbaine de Marseille sur le plan économique et de l'emploi, il limite les ambitions urbaines des communes riveraines de l'étang, il multiplie les déplacements domicile travail et les déplacements de toutes natures sans que les infrastructures nécessaires satisfassent ces besoins.
La rive Ouest de l'étang apparaît particulièrement bien placée pour accueillir de nouvelles implantations industrielles ainsi que pour abriter une part conséquente des activités de logistique en liaison avec le port de Fos, la desserte ferroviaire et la voirie autoroutière de qualité. La proximité en temps de l'aéroport renforce encore cette perspective d'un essor favorisé par la montée en charge des plates-formes multimodales. La plate forme logistique Grans/Miramas constitue un enjeu fort de développement économique de la ville nouvelle.
Dans la partie Ouest qui constitue le cœur de la ville nouvelle, il reste beaucoup à faire pour constituer une urbanité d'agglomération. La recherche d'une centralité secondaire à l'échelle de l'aire métropolitaine dominée par Marseille et Aix-en-Provence passe par l'aménagement d'espaces plus denses, plus riches en services et aussi, plus largement, par un meilleur équilibre entre habitat social et promotion privée.
Enfin, un des dossiers essentiels du territoire est celui de la qualité écologique de l'étang. La conciliation des activités énergétiques et industrielles qui affectent les eaux, les modifications du système de canaux de remplissage et d'évacuation au cours du temps, nécessitent d'opérer des choix techniques et stratégiques pour que l'étang retrouve une vie aquacole et piscicole. Un groupement d'intérêt public est en cours de constitution pour assurer la maîtrise d'ouvrage des opérations.
Comme on peut le constater, les enjeux se situent pour la plupart à un niveau territorial dépassant largement l'échelle de la ville nouvelle. Ceci conditionnera les négociations à venir entre l'Etat et ses partenaires collectivités territoriales ainsi que la configuration des futurs outils d'aménagement et de développement.
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