DJIBOUTI
Un reportage photos et texte d’Eric PASQUIER
réalisé avec l’aide de l’office de Tourisme de Djibouti et la compagnie Turkish airlines
Perdu dans la Corne de l’Afrique, au bord de la mer rouge, ce confetti à jailli des flots il y a vingt-cinq millions d’années lorsqu’une faille déchire l’écorce terrestre et que les premiers massifs volcaniques apparaissent en région Afar entre la mer rouge et les hauts plateaux abyssins. Un pays atypique où les habitants se qualifient eux-mêmes de « pas tout à fait africains, pas tout à fait musulmans, pas tout à fait francophones.
J’ai parcouru avec enchantement cette terre nomade de 23000 km2 faite de volcans et de « banquise » de sel où se sont croisés des écrivains aventuriers, Henry de Monfreid, Joseph Kessel, Arthur Rimbaud et plus récemment Hugo Pratt.
Sur le petit territoire de Djibouti, devenu république indépendante en 1977, le temps a peu de prise, une décennie ou quelques millénaires, quelle importance, ici, ce n’est pas l’homme qui fait la loi, c’est la nature !
Après la fraîcheur de la carlingue de l’A320 et à peine arrivé dans le salon V.I.P de l’aéroport, la chaleur et la moiteur m’envahissent, quel choc entre le ciel et la terre ! mais qu’importe, déjà les visages enjôleurs me troublent, les couleurs chatoyantes des tuniques (dirii) et des châles aiguisent mon regard, l’odeur des épices et de l’encens caresse mes narines, les sourires m’ensorcellent et cette toute première impression redonne de la vie à mes sens.
Dans la ville escale et le passé colonial : Djibouti
Au carrefour de l’Afrique et de l’Orient, la francophone, chaleureuse et pittoresque capitale est principalement peuplée d’Afars au nord, d’Issas au sud et de Somalis et de Yéménites partout ailleurs. Son passé colonial, toujours présent par le nom de ses rues et places, ses terrasses de cafés et au détour d’une ruelle, par l’odeur des croissants.
Ici, dans cette ville cosmopolite, on se sent bien, les gens y sont souriants et accueillants, la profusion des tenues multicolores ravit l’oeil, les femmes fières et élancées sont d’une grande beauté.
Impossible de parler de Djibouti ville sans évoquer son port, l’un des plus fréquenté du monde qui ravitaille les bateaux de tous horizons mais aussi une zone maritime idéale pour les milliers de marines présents sur les navires qui croisent au large des côtes.
Dans le bleu océan et la trace des sultans : Tadjourah
A bord de notre bateau taxi, illuminé sous un azur aveuglant, cette mer aux flots limpides nous fait traverser le golfe du même nom. Après une quinzaine de minutes, au loin, une ligne blanche un peu floue nous apparaît, c’est l’ancienne capitale des sultans : Tadjourah.
Peuplée par 25 000 âmes, située à 173 km de Djibouti, la ville aux sept mosquées, charmante et calme s’étend le long du golfe, les enfants courent, les hommes mâchouillent le qat, les femmes arborent leurs tuniques colorées et papotent à l’ombre d’un boutre, les chèvres et les chats vadrouillent en liberté, les mouettes se baignent, les percnoptères d’Egypte dégustent les carcasses en putréfaction.
Avant la construction du jeune port de Djibouti, Tadjourah fût surtout la plaque tournante du commerce avec l’Arabie, l’Egypte et le plateau abyssin mais aussi et cela jusqu’au XX siècle, l’endroit d’où partaient les esclaves pour la péninsule arabique, l’île Bourbon ou encore Madagascar.
Dans l’ambiance tribale et le milieu minéral : Bankouale
Le 4x4 grimpe une piste rocailleuse dans un paysage au relief tourmenté, c’est entre 1200m et 1700m que notre route nous conduira au campement.
La région de Bankoualé, située au pied du mont Goda, retient son souffle, ici, la flore et la faune agonisent.
Au fond du défilé, quelques huttes faites à partir de branchages (daboitas) et recouvertes de nattes tressées par les femmes, attestent d’une présence humaine, des palmiers doum rectilignes et anorexiques surgissent au milieu de cette terre afar où la nature se livre à un dur combat pour sa survie.
Plus tard, après avoir suivi le cours d’un oued asséché, un dromadaire de-ci, un berger de-là mais jamais d’eau, nous arrivons dans le petit village de Ardo.
Un long muret de pierres sèches entoure une école en plein air où les enfants toujours propres et soignés étudient le Coran. Même si notre présence les interloque, ils restent curieux et attentifs.
Le caractère montagneux de la région et son éloignement par rapport aux zones urbanisées permet le maintien d’un mode de vie traditionnel. L’économie de la région est basée sur l’élevage (bovins , caprins et ovins) et le secteur agricole : polyculture ou fruitiers (manguiers, papayers, bananiers, agrumes.
Dans le Bleu brûlant et le noir volcan : Ghoubet Al Kharab
Point névralgique où s’affrontent les plaques tectonique : l’Afrique repousse l’Arabie. Un océan joue son avenir entre deux continents, l’océan Erythréen n’a que vingt-cinq millions d’années et 500 km de large mais dans deux cents millions d’années, il sera aussi vaste que l’Atlantique !
Le gouffre des démons avec en son milieu, l’île au diable. Ce volcan assoupi émergé signale la profonde cassure sous marine qui part de l’Islande, descend au milieu de l’océan Atlantique, fait le tour de l’Afrique et se concentre là, en territoire afar.
Autrefois, selon certains géologues, le lac communiquait avec le Goubhet et la baie de Tadjourah, aujourd’hui, une zone volcanique de sept kilomètres, le Data Assal sépare la vraie mer de la mer oubliée.
Dans « l’Odeur du soufre » Haroun Tazieff écrivait : « Djibouti est un livre de géologie à ciel ouvert ».
Dans le Bleu du ciel et le blanc du sel : le lac Assal
Une vaste étendue d’eau aux couleurs éthérées de lagon polynésien nous apparaît au détour de la route, le spectacle est superbe, eau bleu-vert, collines gris-noir, frange blanche soudée au rose-beige du sable, nous sommes arrivés au lac Assal.
Les géologues assurent que le lac est alimenté en eau de mer grâce à un circuit très complexe
de fractures souterraines à travers les basaltes, ce qui compenserait l’intense évaporation du lac mais aussi grâce aux eaux du lac Abbé et à l’eau de pluie qui s’infiltre dans le sol fissuré vers cette immense flaque de sel située a 153m au-dessous du niveau de la mer, point le plus bas du continent africain mais aussi l’un des endroits le plus chaud de la planète.
L’eau contient 370 grammes de sel par litre, attention par conséquent à la baignade, cette saumure brûle la peau !
Pour les nomades afar, cette « banquise » de sel est un don du ciel, on voit encore des sauniers à l’ouvrage mais aussi des dromadaires chargés de briques de sel. La caravane, au rythme du soleil, des prières et des bivouacs remontent jusqu’en Ethiopie pour vendre l’or blanc des rives de l’Assal contre la doura (variété de sorgho) sur les marchés abyssins.
Le désert sablo-argileux du Grand Bara relie les deux lacs: Abbé et Assal (points d’orgue du périple djiboutien) par une trentaine de kilomètres.
Cette vaste plaine d’argile est habitée par des gazelles, phacochères, hyènes et chacals.
Au loin, sur la route nationale, les camions semblent glisser sur un miroir.
Dans un ciel de traîne et la terre de sienne : le lac Abbé
Paysage lunaire parsemé de petits trous aux haleines de soufre (en afar « Abhé-baba ») sur lequel aucun arbre ne pousse.
Autrefois, il couvrait une superficie de 6000 km2, mais aujourd’hui, en grande partie asséché, il ne couvre plus que 350 km2.
Ces aiguilles de calcaire dont la hauteur varie de quelques mètres à plus de cinquante mètres se sont formées jadis dans les eaux du lac par cristallisation des minéraux dissous dans des fumerolles volcaniques issues du magma souterrain.
Dans cet univers fantasmagorique, aucune âme dans un large rayon, seuls, quelques bergers viennent faire paître leur bétail aux premières lueurs de l’aube.
Un pied à Djibouti, l’autre en Ethiopie, d’un vert intense lorsque l’on se rapproche de l’eau, Abbé peut-être aussi un paradis ornithologique : flamands roses, ibis du Nil, vanneaux à éperons ont élu domicile sur ses rives.
Dans le bleu outremer et le géant des mers : Le requin-baleine
Situé dans l’océan indien à l’extrémité ouest du golfe d’Aden et au large de Djibouti-ville, nous traversons le golfe de Tadjourah en direction des îles madréporiques (île formée par des récifs coralliens) de Moucha et Maskali.
Arrêt « plongée » obligatoire dans la baie d’Arta qui abrite une faune marine très abondante et exceptionnelle.
Inutile de vous encombrer de bouteilles, un simple masque et un tuba suffiront à vous faire découvrir la magie du lieu mais c’est surtout, à cette époque de l’année que la concentration de plancton est la plus forte et que des requins-baleines juvéniles viennent se nourrir.
Nous nageons au milieu des myriades de poissons de couleurs vives et chatoyantes quand soudain, entre deux brasses, apparaît un corps cylindrique gris tacheté de blanc, le museau est large et aplati, la gueule est grande ouverte et filtre 2000 tonnes d'eau par heure pour ne retenir que crevettes, petits poissons et plancton.
Quel moment extraordinaire et très exaltant de découvrir pour la première fois ce géant des mers.
Malgré sa taille et sa réputation, il est dénué d'agressivité, ce requin est parfaitement inoffensif pour l'homme.
Il convient de noter que la présence de ce gros poisson pélagique, ovovivipares reste un mystère dans cette zone !
Dans la terre Afar et l’ancien comptoir : Obock
Cette paisible bourgade en bord de mer, plantée de ses maisons à arcades blanchies à la chaux, en arrivant paraît désuète: ruelles oubliées, bâtiments décrépis, vaches maigres et cabris errants à chaque coin de rue mais qu’importe, son nom continue à faire rêver le voyageur qui vient ici chercher « le charme et l’ambiance mer Rouge » !
Obock vit aujourd’hui essentiellement du commerce local et de la pêche alors que jadis, elle fût le fief de nombreuses compagnies françaises.
Aujourd’hui encore, elle reste « méconnue » certainement dû aux tensions avec l’Erythrée voisin et les actes de piraterie perpétrés au large dans le détroit de Bab el-Mandeb.
Un peu d’histoire : Rappelons que pour la France, il était important d’avoir une base navale entre Suez et Saigon.
En 1892, la France délaissa la ville Obock pour s’installer à Djibouti-ville mieux placée pour devenir Le port de la mer Rouge, elle possédait une meilleure rade et de l’eau potable.
Aux temps de la coloniale, les forces en présence étaient françaises, aujourd’hui, elles se sont étoffées avec des forces américaines et japonaises.
En 1946, Djibouti recevait le statut de territoire d’outre-mer et en 1949, était dotée d’un port franc et abandonnait la zone franc pour adopter le franc djiboutien.
Ce pays hors du commun qui juxtapose tous les extrêmes est assez grand pour se perdre mais toujours accessible en quelques heures de route.
Paysages enchanteurs, population hospitalière et souriante, cette terre d’échanges et de rencontres est propice à l’évasion, à la découverte botanique, ornithologique, aquatique, géologique, ethnologique.
Encore confidentiel et très loin des sentiers battus, Djibouti ne vous laissera pas indifférent comme elle le fût pour de nombreux et talentueux écrivains aventuriers qui voulurent compléter leur odyssée.
« N'ayez pas peur de la vie, n'ayez jamais peur de l'aventure. Faites confiance au hasard, à la chance, à la destinée. Partez conquérir d'autres espaces, d'autres expériences, le reste vous sera donné de surcroît »
Henri de Monfreid.
Informations pratiques Au départ de la France : Hébergement : Sheraton Djibouti Hotel : www.sheraton.com/djibouti Merci à toute l’équipe de l’Office de Tourisme Djiboutien pour son invitation. www.visitdjibouti.dj Merci à l'agence POST-IT www.post-hit.fr pour l'organisation ce voyage de presse. Merci à Dominique Lommatzsch de l’association ADEN pour sa présence et ses éclairages passionnants et passionnés.- Association Djibouti Espace Nomade (ADEN) |