UN HIVER LAPON

Laponie. Ce nom si doux fait voyager le rêveur qui déjà le prononce. Avant le rêve, c’est d’abord un milieu hostile où vivent les samis, héritiers de ces terres perchées à plus de 66°nord. Rencontre avec le dernier peuple indigène d’Europe.

9h du matin au cœur de la forêt boréale, dans les environs de Kittilä. Il fait noir, et le soleil n’est pas prêt de se montrer. En hiver et par ces latitudes, l’astre est fainéant. Seulement cinq petites heures de lumière par jour.
Erkki Kenttälä est éleveur de rennes. Sa chapka bien vissée sur la tête, il est habitué à vivre dans l’obscurité. Dans le froid aussi. -20°C aujourd’hui. Je suis déjà transformé en glaçon quand il m’explique que « d’habitude, en janvier, on tourne plutôt autour des -30°C ». Me voilà rassuré d’être venu la bonne année, mais le problème est plus complexe : «C’est inquiétant pour nos rennes. Ils se nourrissent des pâturages qui sont protégés par le manteau neigeux. Depuis quelques années il fait moins froid, la neige fond plus facilement et ces pâturages s’abîment » déplore le nourrisseur de cervidés.


 

 

 

 

 

 

Le renne est au lapon ce que la brebis est au berger basque : son pain quotidien et sa raison de vivre. Toutefois, seuls 10% des autochtones vivent encore de l’élevage. Les temps sont durs, la planète se réchauffe et les peuples les plus septentrionaux du globe sont les premiers touchés.

 

 

 

 

 

 

Outre le climat qui change, la culture lapone toute entière est en déclin. La faute à qui ? Aux luthériens, d’abord, qui évangélisent en masse les populations à partir du XVIIème siècle. A l’époque, les chamanismes locaux ne font pas le poids face au rouleau compresseur de la réforme. Le vent de modernité qui envahit ensuite l’occident au XXème siècle ne s’arrête pas aux pieds du cercle polaire. On voit les motoneiges se substituer aux traîneaux, les huttes en toile se transforment en maisons de bois, les groupes nomades se sédentarisent. Pourtant les samis sont très attachés à ce qu’il reste de leur culture. Les habits traditionnels sont facilement enfilés à la moindre fête ou célébration. Les petits lapons peuvent encore apprendre la langue same dans certaines écoles et le joik, le chant traditionnel, est enseigné dans nombreuses familles. L’UNESCO a aussi mis la main à la poche pour aider à financer le musée Samiland, sur les hauteurs de la station de ski de Levi, qui retrace tous ces pans de la culture et de l’Histoire des samis.

 

 

Reijo Jääskeläinen, lui, est loin de toutes ces considérations historiques et culturelles. Avec son air un peu bougon et vaguement déterminé, il est le maître d’une meute de chiens de traîneaux connue à travers toute la Finlande. Sa maison de rondins est bâtie autour d’un poêle qui reste chaud tout l’hiver. A l’arrivée du moindre étranger comme moi tous les canidés qui entourent la cabane aboient en coeur. Les huskies sibériens paraissent communiquer avec les fox arctiques. J’en viens juste à espérer qu’ils ne se liguent pas pour se partager un bon mollet français. « Ils sont excités parce qu’ils sentent qu’on va les atteler et qu’ils vont pouvoir courir » m’explique Reijo. Me voilà rassuré, encore.

 



Une fois le traîneau prêt, moi embarqué et le frein desserré, les dix dogues harnachés décollent et l’équipée sauvage est en route, à toute allure, à travers la taïga. Malgré le vent qui congèle mon visage j’ai l’impression de toucher à un part de ce qui faisait la vie quotidienne des samis d’autrefois.

 

Lucas LAHARGOUE

 

 

 

 

Aller en Laponie :
La compagnie TRANSAVIA propose des vols Paris-Kittilä pendant l’hiver, tous les samedis, à partir de 95 euros l’aller.

Se renseigner…
Office de tourisme : www.visitfinland.com/fr/

 

 

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